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mes mauvaises actions, tous les actes qui autrefois troublaient ma conscience, et je pus constater que tous provenaient du désaccord entre mon caractère et la vie que j’ai menée.

Mes pensées furent interrompues par un léger bruit à droite : Savieli, qui dormait depuis déjà longtemps, chancela et faillit tomber. Il fit le signe de la croix, passa dans l’antichambre et en rapporta une chaise, puis il s’endormit franchement dans un coin du salon. Le chantre psalmodiait plus paresseusement et plus bas ; enfin il se tut et suivit l’exemple de Savieli. Il y eut alors un silence de mort.

Dans ce silence, toute ma vie se déroula comme une chose inévitable, terrible par sa sévère logique. Je ne voyais pas de faits distincts, mais une ligne droite qui allait du jour de ma naissance au soir d’aujourd’hui. Elle ne pouvait aller plus loin : c’était clair. Mais j’ai déjà dit que, deux mois avant, j’avais senti l’approche de la mort, et tous les hommes la sentent de même. Le pressentiment a son rôle dans la vie de chacun de nous, et il ne déçoit pas. Le poète parle avec une admirable justesse quand il dit : « Les événements futurs jettent une ombre devant eux. » Si les hommes se plaignent quelquefois d’avoir été trompés par le pressentiment, c’est parce