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II

La nuit vint. Je fus étendu sur la table, dans le grand salon, qu’on avait tendu de noir ; les meubles étaient enlevés, les stores baissés, les tableaux cachés sous un voile noir. Une couverture de brocart d’or me couvrait les jambes. Dans de hauts chandeliers d’argent, des bougies de cire brûlaient. À ma droite, contre le mur, immobile, se tenait Savieli ; avec ses pommettes jaunes en saillie, son crâne poli, sa bouche sans dents, et ses yeux mi-clos cerclés de rides, il avait plus que moi l’air d’un cadavre. À ma gauche, devant le lutrin, un homme pâle, à longue redingote, lisait, d’une voix monotone qui résonnait dans la salle vide : « Ma bouche est muette et fermée, et sur ton ordre j’ai disparu. »

Il y a juste deux mois, cette même salle