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Judichna, cessant enfin de crier, se pencha sur la table à écrire pour y regarder quelque chose. Savieli se précipita vers elle fort en colère :

— Allons ! Prascovie Judichna, ne vous occupez donc pas de la table du prince. Est-ce que c’est votre affaire ?

— Eh bien ! quoi, Savieli Petrovitch ? siffla Judichna, froissée. Je ne veux pas voler !

— Je ne sais pas ce que vous voulez faire ; mais tant que les scellés ne seront pas posés, je ne permettrai à personne d’approcher de la table. Ce n’est pas pour rien que j’ai servi pendant quarante ans le prince défunt.

— Que me jetez-vous là à la tête ? vos quarante années ! mais, moi aussi, je suis dans cette maison depuis quarante ans… et davantage, et voilà que, maintenant, je ne puis même pas prier pour l’âme du prince !

— Vous pouvez prier, mais n’approchez pas de la table.

Tous deux, par respect pour moi, s’insultaient à mi-voix ; mais, quand même, j’entendais très clairement chacune de leurs paroles, — ce qui m’étonnait fort. « Suis-je en léthargie ? » pensais-je avec effroi. Il y a deux ans, j’ai lu une nouvelle française où étaient décrites, en grand détail, les impres-