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Et mon frère lut à haute voix l’information qu’il avait rédigée :

« La princesse Zoé Borïsovna Troubchevskaïa annonce, avec une grande douleur, la mort de son époux, prince Dmitri Alexandrovitch Troubchevsky, survenue le vingt février, à huit heures du soir, après une longue et douloureuse maladie. Les messes seront dites à deux heures de l’après-midi et à neuf heures du soir. »

— Il ne faut rien dire de plus, Zoé ?

— Non, rien, mais pourquoi avez-vous écrit ce terrible mot : « la douleur » ; je ne puis souffrir ce mot. Mettez : « avec une profonde tristesse ».

Mon frère corrigea :

— J’envoie au Novoïé Vrémia… est-ce suffisant ?

— Oui, c’est assez… Ah !… on peut encore envoyer au Journal de Saint-Pétersbourg.

— Bien. J’écrirai la note en français.

— Inutile. Les rédacteurs traduiront.

Mon frère sortit : ma femme s’approcha de moi, s’assit sur une chaise près du lit, et me regarda longtemps d’un regard suppliant, interrogateur. Dans ce regard, je lus beaucoup plus d’amour et de douleur que dans ses lamentations. Elle se rappelait toute notre vie