Page:Apollinaire - Lettres à sa marraine.pdf/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
À SA MARRAINE

orgueilleux, ce qui est une forme de la sottise. Je suis autoritaire, très autoritaire et cependant très doux, je ne suis plus un tout jeune homme puisque je viens d’entrer dans ma trente-cinquième année. Pour le reste je suis un poète. Voilà pour moi, comme disent les conteurs arabes.

Émile Léonard m’a, en effet, écrit que votre père était un savant de premier ordre et m’a mentionné son ouvrage sur Cyrano qui fait autorité.

J’entends qu’un père aussi remarquable vous laisse de si grands regrets.

J’ai la volonté d’être un poète nouveau et autant dans la forme que dans le fond mais au rebours de quelques modernes non fondés en leur art j’ai le goût profond des grandes époques c’est vous dire que j’honore infiniment le Grand Siècle et particulièrement dans ceux qu’avec raison on appelle les classiques. Et fervent de Racine, de La Fontaine j’ai pour Malherbe et pour Maynard l’admiration qui convient à ces merveilleux versificateurs.

Je goûte même infiniment Motin et bien d’autres comme ce Cyrano qui vous est cher.

Ne vous peignez donc pas puisque le courage