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LES ONZE MILLE VERGES


taurant. « Excellente idée, dit Mony, Cornabœux, allons d’abord dîner ! » La main de l’ancien fort sortit de la fente du raglan. Tous deux se dirigèrent vers la salle à manger. La pine du prince bandait toujours, et comme il ne s’était pas reculotté, une bosse proéminait à la surface du vêtement. Le dîner commença sans encombre, bercé par le bruit de ferrailles du train et par les cliquetis divers de la vaisselle, de l’argenterie et de la cristallerie, troublé parfois par le saut brusque d’un bouchon d’Apollinaris.

À une table, au fond opposé de celui où dînait Mony, se trouvaient deux femmes blondes et jolies. Cornabœux qui les avait en face les désigna à Mony. Le prince se retourna et reconnut en l’une d’elle, vêtue plus modestement que l’autre, Mariette, l’exquise femme de chambre du Grand-Hôtel. Il se leva aussitôt et se dirigea vers ces dames. Il salua Mariette et s’adressa à l’autre jeune femme qui était jolie et fardée. Ses cheveux décolorés à l’eau oxigénée lui donnaient une allure moderne qui ravit Mony : « Madame, lui dit-il, je vous prie d’excuser ma démar-