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LES ONZE MILLE VERGES


abandonné, il se mit à rouler du tambour sur le ventre nu de la Polonaise. Les Ras succédaient aux flas avec une rapidité vertigineuse et le petit Bara de glorieuse mémoire ne battit pas si bien la charge sur le pont d’Arcole.

Finalement, le ventre creva ; Mony battait toujours et hors de l’infirmière les soldats japonais, croyant à un appel aux armes, se réunissaient. Les clairons sonnèrent l’alerte dans le camp. De toutes parts les régiments s’étaient formés et, bien leur en prit, car les Russes venaient de prendre l’offensive et s’avançaient vers le camp japonais. Sans la tambourinade du prince Mony Vibescu, le camp japonais était pris. Ce fut d’ailleurs la victoire décisive des Nippons. Elle est due à un sadique Roumain.

Tout à coup quelques infirmiers portant des blessés entrèrent dans la salle. Ils aperçurent le prince battant dans le ventre ouvert de la Polonaise. Ils virent le blessé saignant et nu sur son lit.

Ils se précipitèrent sur le prince, le ligotèrent et l’emmenèrent.