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LES ONZE MILLE VERGES


comme Amatérassou, fille de ces dieux et le soleil lui-même. En m’attendant, elle pense à moi et fait vibrer les treize cordes de son kô-tô en bois de polonia impérial ou joue du siô à dix-sept tuyaux.

— Et vous, demanda Mony, n’avez-vous jamais eu envie de baiser depuis que vous êtes en guerre ?

— Moi, dit l’officier, quand l’envie me presse trop, je me branle en contemplant des images obscènes ! et il exhiba devant Mony des petits livres pleins de gravures sur bois d’une obscénité étonnante. L’un des livres montraient des femmes en amour avec toutes sortes de bêtes, des chats, des oiseaux, des tigres, des chiens, des poissons et jusqu’à des poulpes qui, hideux, enlaçaient de leurs tentacules à ventouses les corps des mousmés hystériques.

« Tous nos officiers et tous nos soldats, dit l’officier, ont des livres de ce genre. Ils peuvent se passer de femmes et se branlent en contemplant ces dessins priapiques.

Mony allait souvent visiter les blessés russes. Il retrouvait là l’ambulancière polo-