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LES ONZE MILLE VERGES


nier. C’était un grand jeune homme, un Allemand qu’on avait trouvé à la limite des travaux de défense, en train de détrousser des cadavres. Il criait en allemand :

— Je ne suis pas un voleur. J’aime les Russes, je suis venu courageusement à travers les lignes Japonaises pour me proposer comme tante, tapette, enculé. Vous manquez sans doute de femmes et ne serez pas fâchés de m’avoir.

— À mort, crièrent les soldats, à mort, c’est un espion, un maraudeur, un détrousseur de cadavres !

Aucun officier n’accompagnait les soldats, Mony s’avança et demanda des explications :

— Vous vous trompez, dit-il à l’étranger, nous avons des femmes en abondance, mais votre crime doit être vengé. Vous allez être enculé, puisque vous y tenez, par les soldats qui vous ont pris et vous serez empalé ensuite. Vous mourrez ainsi comme vous avez vécu et c’est la plus belle mort au témoignage des moralistes… Votre nom ?

— Egon Müller, déclara l’homme en tremblant.