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LES ONZE MILLE VERGES


ce que sa langue, prise de crampe, ne pût plus remuer.

Une amie dont j’avais fait connaissance à Tokyo et que j’aimais à la folie venait me consoler.

Elle était jolie comme le printemps et il semblait que deux abeilles étaient toujours posées sur la pointe de ses seins. Nous nous satisfaisions avec un morceau de marbre jaune taillé par les deux bouts en forme de vit. Nous étions insatiables et, dans les bras l’une de l’autre, éperdues, écumantes et hurlantes, nous nous agitions furieusement comme deux chiens qui veulent ronger le même os.

L’Anglais un jour devint fou, il se croyait le Shogun et voulait enculer le Mikado.

On l’emmena et je fis la putain en compagnie de mon amie jusqu’au jour où je devins amoureuse d’un Allemand, grand, fort, imberbe, qui avait un grand vit inépuisable. Il me battait et je l’embrassais en pleurant. À la fin, rouée de coups, il me faisait l’aumône de son vit et je jouissais comme une possédée en l’étreignant de toutes mes forces.