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LES ONZE MILLE VERGES

— Je suis, dit-elle, la fille d’un joueur de sammisen, c’est une sorte de guitare, on en joue au théâtre. Mon père figurait le chœur et, jouant des airs tristes, récitait des histoires lyriques et cadencés dans une loge grillée de l’avant-scène.

Ma mère, la belle Pêche de Juillet, jouait les principaux rôles de ces longues pièces qu’affectionne la dramaturgie nipponne.

Je me souviens qu’on jouait les Quarante-sept Roonins, la Belle Siguenaï, ou bien Taïko.

Notre troupe allait de ville en ville, et cette nature admirable où j’ai grandi se représente toujours à ma mémoire dans les moments d’abandon amoureux.

Je grimpais dans les Matsous, ces conifères géants ; j’allais voir se baigner dans les rivières les beaux Samouraïs nus, dont la mentule énorme n’avait aucune signification pour moi, à cette époque, et je riais avec les servantes jolies et hilares qui venaient les essuyer.

Oh ! faire l’amour dans mon pays toujours fleuri ! Aimer un lutteur trapu sous des ce-