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LES ONZE MILLE VERGES

C’était le beuglant chic de Port-Arthur. Ils entrèrent. La salle était pleine de fumée. Une chanteuse allemande, rousse, et de chairs débordantes, chantait avec un fort accent berlinois, applaudie frénétiquement par ceux des spectateurs qui comprenaient l’Allemand. Ensuite quatre girls anglaises, des sisters quelconques, vinrent danser un pas de gigue, compliqué de cake-walk et de matchiche. C’étaient de fort jolies filles. Elles relevaient haut leurs jupes froufroutantes pour montrer un pantalon garni de fanfreluches, mais heureusement le pantalon était fendu et l’on pouvait apercevoir parfois leurs grosses fesses encadrées par la baptiste du pantalon, ou les poils qui estompaient la blancheur de leur ventre. Quand elles levaient la jambe, leurs cons s’ouvraient tout moussus. Elles chantaient :

My cosey corner girl
et furent beaucoup plus applaudies que la ridicule fraulein qui les avait précédées.

Des officiers russes, probablement trop pauvres pour se payer des femmes, se bran-