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tante. Mais elle dit alors pour s’excuser : « Berthe aussi rit toujours lorsque j’arrive à cet endroit avec l’éponge chaude. » Mais ma mère lui ordonna sévèrement de se taire.

Au même instant la porte de la salle de bains s’ouvrit et ma sœur aînée Élisabeth entra. Elle avait quinze ans et fréquentait l’école supérieure.

Bien que ma tante eût rapidement jeté une chemise sur ma nudité, Élisabeth avait cependant eu le temps de me voir et cela me causa une grande gêne. Car si je n’avais aucune honte devant Berthe, je ne voulais cependant pas être vu tout nu par Élisabeth qui, depuis quatre ans déjà, ne prenait plus de bains avec nous, mais se baignait soit avec les dames, soit avec Kate.

J’éprouvais une espèce de colère de ce que toutes les personnes féminines de la maison avaient le droit d’entrer dans la salle de bains même quand j’y étais, tandis que je n’avais pas ce droit. Et je trouvais absolument abusif qu’on m’en interdît l’entrée même lorsqu’on baignait seulement ma sœur Élisabeth, car je ne voyais pas pourquoi, malgré qu’elle affectât des airs de demoiselle, on la traitât différemment de nous.

Berthe elle-même était outrée des prétentions injustes d’Élisabeth qui s’était un jour refusée à se mettre nue devant sa jeune sœur et n’avait pas hésité à le faire lorsque ma tante ou ma mère s’étaient enfermées avec elle dans la salle de bains.

Nous ne pouvions pas comprendre ces façons