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LA RENCONTRE AU CERCLE MIXTE

pièce dans laquelle ils pénétrèrent fut éclairée, Van der Vissen se renseigna sur la domesticité ; mais la bonne était couchée dans son sixième.

Ils se trouvaient maintenant dans un boudoir meublé de divans larges et bas, de poufs où l’on avait posé, pêle-mêle, des gants, des lettres, des boîtes de cigarettes égyptiennes, des livres de vers modernes.

Comme un joueur affolé qui, pour la première fois, se décide à tricher, Van der Vissen hésita un moment sur ce qu’il allait faire.

Puis, tandis que les bras levés devant la glace, la jeune femme enlevait son chapeau, il se jeta sur elle et tenta de la saisir au cou. Mais elle se retourna vivement et il reçut en pleine figure un coup de poing vraiment viril. En même temps, d’une voix mâle, n’ayant plus rien de commun avec celle qu’on avait affectée jusqu’alors, on injuria crûment l’ingénieur dans les termes les plus grossiers, les plus ignobles.

Il avait affaire à un jeune homme solidement musclé, qui pouvait, en faisant le chichi convenable à son infâme condition, singer la délicatesse d’une