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SAINTE ADORATA

« J’étais le fils d’un riche châtelain des environs de Szepeny. J’étudiais la médecine. Et un labeur acharné m’avait épuisé à un tel point que les médecins m’engagèrent à me reposer et à voyager pour changer d’air.

« J’allai en Italie. C’est à Pise que je rencontrai celle à qui aussitôt je donnai ma vie. Elle me suivit à Rome, à Naples. Ce fut un voyage où l’amour embellissait les sites… Nous remontâmes jusqu’à Gênes et je pensais à l’emmener ici, en Hongrie, pour la présenter à mes parents et l’épouser, lorsqu’un matin je la trouvai morte auprès de moi… »

Le vieillard interrompit un instant son récit. Lorsqu’il le reprit, sa voix chevrotait plus qu’auparavant et on l’entendait à peine.

« … Je parvins à cacher le décès de ma maîtresse aux gens de l’hôtel, mais je n’y parvins qu’en employant des ruses d’assassin. Et quand je pense à tout cela, je frissonne encore. On ne me soupçonnait d’aucun crime et l’on crut que ma