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SAINTE ADORATA

« Mon Dieu ! lui répondis-je, je n’ai aucune opinion sur ces questions dévotes. »

Il reprit :

« Vous n’êtes que de passage parmi nous, monsieur, et je désire depuis si longtemps révéler la vérité de tout cela à quelqu’un que je veux vous la dire, sous condition que vous n’en parlerez à personne dans ce pays. »

Ma curiosité s’était éveillée et je promis tout ce qu’il voulut.

« Eh bien ! monsieur, me dit le petit vieillard, sainte Adorata a été ma maîtresse. »

Je me reculai, pensant avoir affaire à un insensé. Mon étonnement le fit sourire, tandis qu’il me disait d’une voix un peu tremblante :

« Je ne suis pas fou, monsieur, et je vous ai dit la vérité. Sainte Adorata a été ma maîtresse !

« Que dis-je ? Si elle l’avait voulu, je l’aurais épousée !…

« J’avais dix-neuf ans quand je la connus. J’en ai aujourd’hui plus de quatre-vingts et je n’ai jamais aimé d’autre femme qu’elle.