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GIOVANNI MORONI

«… Comme je n’ai plus revu Rome depuis mon enfance, je n’en ai que quelques souvenirs vagues et brisés. Je regrette de ne pouvoir mettre l’aventure suivante dans le cadre exact du carnaval romain. Mais je n’étais qu’un enfant et n’ai vu, porté dans les bras de mon père, que les chars d’où tombaient les confettacci, des bonbonnières, des fleurs.

« Un soir de Carnaval, mes parents, quatre amis et moi étions attablés devant le plat de circonstance : une timbale de macaronis au jus, mêlés de foies de poulet, à laquelle devait succéder une timbale douce de macaronis au sucre et à la cannelle.

« Tout à coup, on frappa violemment à la porte dont des voix avinées réclamaient l’ouverture :

« — Ce sont, dit mon père, de joyeux compagnons de Carnaval qui viennent faire une farce, boire à nos frais, nous intriguer, puis partir ailleurs faire de même. C’est Carnaval, il faut qu’on s’amuse.

« Et il alla ouvrir : une troupe de masques envahit l’appartement. L’un d’eux était porté par quatre de ses compagnons. Il y avait un arlequin, un paillasse, une cuisinière française, deux polichinelles, etc. Le