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LE ROI-LUNE

vêtements blancs et, écoutant attentivement les murmures de l’aube, il me sembla entendre le bruit des lavandières battant perpétuellement les linges et les costumes virginaux et les chocs incessants des bâtons remplaçant le fer à repasser, comme si c’était l’aube blanche elle-même qu’on lavait et qu’on repassait.

Puis l’auguste noyé postiche du lac de Starnberg appuya sur une autre touche et aux paroles murmurées par le roi je compris que les bruits qui provenaient jusqu’à nous évoquaient l’atmosphère heureuse du Japon au moment de l’aurore.

Les microphones perfectionnés que le roi avait à sa disposition, étaient réglés de façon à apporter dans ce souterrain les bruits les plus lointains de la vie terrestre. Chaque touche actionnait un microphone réglé pour telle ou telle distance. Maintenant c’étaient les rumeurs d’un paysage japonais. Le vent soufflait dans les arbres, un village devait être là, car j’entendais les rires des servantes, le rabot d’un menuisier et le jet glacial des cascades.

Puis, une autre touche abaissée, nous fûmes transportés en pleine matinée, le roi salua le labeur socialiste de la Nouvelle-Zélande, j’entendis le sifflement des geysers au jaillissement d’eaux chaudes.