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LE ROI-LUNE

siège aux pieds brisés, sorte de trône démantibulé derrière lequel pendait une tapisserie figurant un écu fuselé d’argent et d’azur. Au mur où s’ouvrait la porte par où j’entrai, des tableaux étaient pendus qui représentaient la vie en zones colorées, en lumières éclatantes.

Dans le fond un orgue emplissait la muraille et côte à côte comme des chevaliers en armure veillaient les tuyaux polis. Sur l’orgue une partition fermée portait sur le plat visible de sa riche reliure :

partition originale de « l’or du rhin »

La salle était dallée de serpentine, de portor, de cuivre ; il y avait aussi des dalles de verre transparent dont il montait des lumières, soit rouges, soit violettes. Ces lumières n’éclairaient point la salle qui était illuminée par de grandes fenêtres postiches d’où la lumière artificielle venait comme celle du jour même. À certaines places de ce dallage je vis des flaques de sang et dans un coin une pile de couronnes de théâtre en cuivre doré et en verroterie.

C’est ici que se place l’épisode le plus émouvant de mon voyage, car voulant sortir de ce lieu et