Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LE POÈTE ASSASSINÉ

superbes, Mais, en reconnaissance, montre ce que tu as dans ton sac. »

La fille rit en ouvrant la bouche où brillèrent de nouvelles dents, puis elle ouvrit son sac en s’excusant :

« C’est une drôle d’idée, devant tout le monde. Voilà mes clefs, voici la photographie sur émail de mon amant ; il est mieux que ça. »

Mais les yeux de Tograth avaient brillé ; il avait avisé, pliées, quelques chansons parisiennes rimées sur des airs viennois, Il prit ces papiers et après les avoir regardés :

— Ce ne sont que des chansons, dit-il, n’as-tu pas de poésies ?

— J’en ai une bien jolie, dit la fille, c’est le pisteur de l’hôtel Victoria qui me l’a faite avant de partir pour la Suisse. Mais je ne l’ai pas montrée à Sossi.

Et elle tendit à Tograth un petit papier rose sur lequel se trouvait ce lamentable acrostiche :

M on aimée adorée avant que je m’en aille,
A vant que notre amour, Maria, ne déraille,
R âle et meure, m’amie, une fois, une fois,
Il faut nous promener tous deux seuls dans les bois,
A lors je m’en irai plein de bonheur je crois.