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LE POÈTE ASSASSINÉ

mates, sur un monticule planté de petits pins maigres. La côte bordée par le blanc-bleu des flots s’allongeait au loin, devant lui. Le Casino émergeait de la forêt des arbres rares de ses jardins. François des Ygrées le regardait. Ce palais ressemblait à un homme accroupi et levant ses bras au ciel. Près de lui François des Ygrées entendit un Mammon invisible :

« Regarde ce palais, François, il est fait à l’image de l’homme. Il est sociable comme lui. Il aime ceux qui le visitent et surtout ceux qui sont malheureux en amour. Vas-y et tu gagneras, car on ne peut pas perdre au jeu lorsqu’ainsi que toi, l’ouest malheureux en amour. »

Comme il était six heures, l’angélus tinta aux différentes églises des alentours. La voix des cloches prévalut contre la voix du Mammon invisible qui se tut, tandis que François des Ygrées le cherchait.

Le lendemain, François prit le chemin du temple de Mammon. C’était le dimanche des Rameaux. Les rues étaient encombrées d’enfants, de jeunes filles, de femmes portant des palmes et des ra-