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Sa tenue de ville y était pour quelque chose. C’était le débraillé, non le débraillé verlainien, mais un débraillé orné de bagues d’améthyste, de cannes extraordinaires, de breloques sensationnelles, en un mot un débraillé boulevardier.

Dès ses débuts à Paris, La Jeunesse s’était logé dans cet hôtel du boulevard Beaumarchais où je l’avais trouvé ; il y resta jusqu’à ce que, peu avant la guerre, les bénéfices que lui procura sa collaboration anonyme au Petit Café lui eussent permis de s’agrandir en transportant rue de Liége, alors rue de Berlin, ses casques, ses armes, ses défroques de l’armée napoléonienne, les livres, les cannes, les miniatures, les médailles, les pièces de monnaie qu’il entassait dans cette chambre d’hôtel où le tas n’était pas loin d’atteindre le plafond. Ceux qui furent admis dans ce capharnaüm se souviennent du pot de chambre débordant de montres anciennes.

Au temps de la Revue Blanche, Ernest La Jeunesse s’égarait parfois jusqu’à la rue de l’Échaudé où son ami Jarry s’ingéniait parfois à le turlupiner.

Plus tard, il accompagna une fois Moréas à la Closerie des Lilas.