Page:Apollinaire - Le Flâneur des deux rives.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je rebroussai chemin, m’engageai dans la rue de Richelieu et gagnai le Palais-Royal où, dans une brasserie tranquille, je m’efforçai de déchiffrer le contenu du document inquiétant. J’y vis, tracés d’une main inexperte, les signes suivants : A. B. C. D. E. F. G. H. I. J. K. L. M. N. O. P. Q. S. T. U. V. W. X. Y. Z. Auprès de ces lettres majuscules, un dessin grossier figurait un homme, ayant au front deux jets de flamme à côté duquel le chiffre 1 était placé juste au-dessus du chiffre 5. J’étais en présence d’un rébus, mais je m’aperçus vite qu’il ne s’agissait nullement d’un de ces rébus insignifiants, que l’on trouve encore dans certains journaux, et que déchiffrent le soir, au café, les œdipes provinciaux. Le rébus, que j’avais devant les yeux, dénotait un art ancien. Celui qui l’avait composé était au courant de la symbolique populaire qui a donné naissance à ces rébus de Picardie, où les pamphlétaires du moyen âge figuraient par peintures ce qu’ils n’auraient pas osé dire ouvertement et que le peuple, ne sachant pas lire, ne pouvait connaître que par l’image. N’ayant plus, grâce à