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grande porte donnant sur le quai part un large chemin sablé qui mène à un grand théâtre en bois. Monument bien imprévu à cet endroit et que l’on appelle la salle Jeanne-d’Arc. Des lambeaux d’affiches déjà anciennes montraient, en 1914, qu’une fois, il y avait peut-être quelque cinq ou six ans, la Passion de N. S. Jésus-Christ y avait été représentée. Les acteurs, c’étaient peut-être des gens du monde et vous avez peut-être rencontré dans un salon le Christ d’Auteuil ; un baron de la Bourse converti y joua peut-être à la perfection le rôle ingrat de ce saint caïnite, Judas, qui commença par la finance, continua par l’apostolat et finit en sycophante.

Mais que le passant entre dans la rue Berton, il verra d’abord que les rues qui la bordent sont surchargées d’inscriptions, de graffiti, pour parler comme les antiquaires. Vous apprendrez ainsi que Lili d’Auteuil aime Totor du Point du Jour et que pour le marquer, elle a tracé un cœur percé d’une flèche et la date de 1884. Hélas ! pauvre Lili, tant d’années écoulées depuis ce témoignage d’amour doivent