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L’Allemand eut le dessous ; son appareil en flammes tomba comme une loque ; de l’aviateur, il ne resta qu’une masse informe et sanglante. Mais la branche de laurier qu’il avait mise à son casque descendit en tournoyant, puis le vent l’entraîna au-dessus de Verdun et elle s’envolait glorieuse parmi les obus de gros calibre qui passaient à côté d’elle, avec un bruit strident. Soudain, le vent changeant de direction, elle alla s’abattre plus à l’ouest et près des lignes, au milieu d’une batterie composée de gens du midi :

« Du laurier ! dit le cuistot de la 4e pièce qui vit tomber la petite branche. Du laurier, on va le mettre dans la soupe ! »

Mais telle n’était point la destinée de cette branche de laurier impérial. Avant que le brave cuistot l’eut ramassée, le vent la reprit et l’emporta sur la route où, à ce moment, passait une automobile. La vitre de la portière était ouverte et la petite branche de laurier s’y engouffra et se posa délicatement sur le képi du généralissime qui faisait sa tournée le long du front.