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assis sur une borne, écrivait sur un bloc-notes un article destiné au grand journal de New-York dont il était le correspondant :

« Une branche de laurier, se dit celui-ci, voilà un noble souvenir de la guerre, je l’emporterai en Amérique. »

Et il en empanacha son feutre.

À quelque temps de là, le journaliste américain, ayant suffisamment visité le front oriental, s’en alla sur celui d’occident. Mais, en passant par Lille, il rencontra un convoi de jeunes filles et de femmes françaises que les Allemands arrachaient à leur foyer pour les mener travailler loin de chez elles. Et il fut si touché de ce spectacle qu’il tendit à l’une d’elles la branche de laurier qu’il détacha de son chapeau.

La jeune fille le remercia. Mais, lorsqu’il eut tourné le dos, l’officier allemand qui conduisait le cortège se précipita sur la jeune fille et lui arracha la branche de laurier. Cependant il lui en resta une feuille qu’elle mit sur son cœur.