Page:Apollinaire - La Femme assise.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et de nouvelles vérités sont révélées ici à ceux qui sont las des anciennes.
Elles chantent ou pleurent, ou prient ou éclatent de rire
Et préparent de nouveaux travaux.
Un dieu nouveau se dresse dans le canot d’écorce
Une déesse se peigne en chantant dans les prairies où mûrit le riz sauvage
Et d’autres dieux réclament des héros.
C’est aussi l’arrivée d’un vaisseau
Écoutez danser là-bas des voyageurs équivoques dans un bal de quarteronnes,
Écoutez aussi au loin, derrière les horizons, la plainte,
La plainte de ceux qui meurent en Europe en se rappelant
Des prairies où le riz sauvage mûrit au bord du Mississipi
Et les noires cyprières drapées dans la tillandzia argentée ! »

« L’Europe et l’Amérique se prirent par la main et, en chœur, elles chantèrent :

« La mer sépare les deux époux
Ce sont les noces énormes de deux continents.
De l’un jaillit un vaisseau à travers l’océan,
L’Europe féconde l’Amérique,
L’Europe, nom viril dans le langage diplomatique,
C’est-à-dire international qui est le français,
Et l’on entend distinctement l’article masculin,
Tandis que l’article féminin marque bien
Dans la langue des Nations ou langue française,
Le sexe de l’Amérique.
L’Europe étend frénétiquement la rigide péninsule d’Armor
Et l’Amérique s’étale, largement ouverte,