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Replanoff partit le premier, et comme Georges tardait à revenir, Elvire se décida à partir pour la Russie. Elle alla prendre son billet à la Compagnie des Wagons-Lits ; mais elle était et paraissait si jeune qu’elle dut obtenir le consentement préalable de son père auquel le vieux Replanoff écrivit une lettre qui est un monument d’hypocrisie car, aussitôt qu’Elvire fut à Pétrograde, il la vendit à une compagnie de débauchés dont il faisait partie et elle devint la maîtresse du grand-duc André Pétrovitch. Elle passa sept mois en Russie et, de ce séjour chez les Moscovites, elle me parla une fois de la façon suivante :

« Le grand-duc, mon amant, avait vingt-six ans. Il était très beau. Je n’ai jamais vu d’homme aussi beau ni aussi brutal. Il aimait les femmes et les garçons. Il était plus dépravé que Georges en ce sens que la cruauté dominait tous ses scrupules et l’orgueil le faisait presque délirer. Les femmes, Françaises pour la plupart, qui étaient les maîtresses des