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ce furent des cris déchirants de femmes du côté des gentils et quelques hommes, frappés de terreur, tremblaient en sanglotant. Puis les cris rauques des Mormonnes devinrent des hurlements et un certain nombre de personnes s’évanouirent en poussant un cri perçant qui retentissait comme le sinistre appel d’un oiseau de mauvais augure. Alors une frénésie insensée secoua toute la foule. Le bark gagna le peuple tout entier et tous ceux qui n’étaient pas évanouis se jetèrent à quatre pattes et, levant la tête, regardant Brigham Young en face, ils aboyaient comme des chiens furieux. Le prêche continuait et la voix du Prophète dominait en paroles révélées les glapissements des hommes et des femmes. Il criait de toutes ses forces, les yeux levés au ciel, son chapeau haut de forme en arrière, le cou gonflé, et ses efforts firent craquer la boutonnière de son col évasé, la cravate remonta sur le cou, la chemise s’ouvrit et le goître du prophète s’étala sur sa poitrine comme un pis de vache. Il parlait avec une voix