Page:Apollinaire - La Femme assise.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des familles entières de monogames, des trappeurs, des batteurs d’estrade, des despérados de la frontière mexicaine, des missionnaires catholiques et de diverses sectes, des déserteurs de diverses marines européennes, échappés pendant une escale en Californie, attirés par la prospérité de la nouvelle ville. Hommes et femmes regardaient avec une sorte de mépris l’assemblée des mormons et le campement des femmes nouvelles venues et au milieu des gentils se promenaient en riant, en parlant fort, avec des mines pleines d’affectation, avec des gestes maniérés, avec de grands airs, une démarche noble et aisée, une troupe d’histrions qui devait jouer le soir au théâtre. Et cette actrice si mince, si blonde, si majestueuse, qui marchait en tête, avait une robe à traîne que portait derrière elle le directeur de la troupe, petit bossu en frac noir et chapeau haut de forme. Elle souriait aux jeunes filles et, à coups d’éventails, écartait les hommes qui ne se rangeaient pas assez vite sur son passage. Et elle s’arrêta lorsque ses