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« Soudain la place s’anima avec violence. Les gens de la caravane se levèrent et le peu d’hommes qui en faisaient partie s’en écarta pour se mêler à la foule qui de toutes parts envahissait la place. Il ne resta près des chariots que des femmes qui parlaient entre elles, se brossaient l’une l’autre, se recoiffaient avec coquetterie pour se montrer avec tous leurs avantages. C’étaient des Anglaises bien prises dans des pantalons mexicains très larges par le bas et ornés sur la couture par une bande de cuir frangé. C’étaient encore des Danoises, des Norvégiennes qui, par pudeur, n’avaient pas osé mettre de vêtements d’hommes. Elles paraissaient prétentieuses et misérables avec leurs jupes tapageuses, maintenant défraîchies par le voyage, les volants qui s’étaient déchirés, les cerceaux de crinoline qui s’étaient rompus. Une jeune Suissesse était plus ridicule encore, en atours démodés qui dataient d’avant 48, et sur la tête elle portait un bibi microscopique. Une de ces femmes enfin, celle-là