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10 l’hérésiarque et Cie Il répondit : — Je suis le Juif Errant. Vous l’aviez sans doute déjà deviné. Je suis l’Éternel Juif — c’est ainsi que m’appellent les Allemands. Je suis Isaac Laquedem. Je lui donnai ma carte en lui disant : — Vous étiez a Paris, l’an dernier, en avril, n’est-ce pas? Et vous avez écrit à la craie votre nom sur un mur de la rue de Bretagne. Je me souviens de l’avoir lu, un jour que, sur l’impé- riale d’un omnibus, je me rendais à la Bastille. Il dit que c’était vrai, et je continuai : — On vous attribue souvent le nom d’Ahas- vérus ? — Mon Dieu, ces noms m’appartiennent et bien d’autres encore ! La complainte que l’on chanta après ma visite à Bruxelles me nomme Isaac Laquedem, d’après Philippe Mouskes, qui, en 1243, mit en rimes flamandes mon histoire. Le chroniqueur anglais Mathieu, de Paris, qui la tenait du patriarche arménien, l’avait déjà racontée. Depuis, les poètes et les chroniqueurs ont souvent rapporté mes passages, sous le nom d'Ahasver, Ahasvérus ou Ahasvère, dans telles ou telles villes. Les Italiens me nomment But- tadio — en latin Buttadeus ; — les Bretons, Boudedeo; les Espagnols, Juan Espéra-en- Dios. Je préfère le nom d’Isaac Laquedem, sous