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sans doute la même habitude du saint père, accueillit ainsi un bel inconnu qui lui vint demander brusquement ce qu’il faisoit, au moment où il cultivoit son jardin et mettoit quelque chose en terre.

« — Hola, l’ami, dis-moi ce que tu plantes ? — Cazzo, cazzo, — répond l’hermite bourru. L’autre ne lui donne pas le temps d’achever et reprend :


« Vous en plantez, eh bien il en viendra.


« La prophétie s’accomplit, car c’était un ange qui la faisoit. Que devient cette tige singulière ? Quel usage en fait Rodric ? En quelles mains tombe-t-elle ? Quel est son dernier sort ? C’est ce qu’on voit dans le courant du poème, divisé en cinq chants, fournis d’épisodes très ingénieux et très agréablement narrés. Ce qui en fait le principal charme et le mérite rare, c’est que, roulant sur le sujet le plus obscène, il n’y a pas un seul mot de ce genre et la fiction soutenue d’un bout à l’autre sur le même plan, présente des images très licencieuses, toujours gazées sous des expressions honnêtes. On ne sait d’où est tiré le mot parapilla, qu’a substitué le traducteur à celui de cazzo. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il ne signifie rien en françois, mais il a une grande vertu dans l’ouvrage, comme vous le verrez. »

Après avoir donné de longs extraits — presque tout le poème — de Parapilla, le rédacteur de l’Espion anglais termine ainsi :


« Tel est ce petit ouvrage, que bien des gens comparent au Vert-Vert, mais dont le sujet porte beaucoup plus d’intérêt, dont les épisodes très variés enchaînent plus ingénieusement l’action et dont le style plus leste marche avec une rapidité que n’a pas M. Gresset. Mais encore un coup, le chef-d’œuvre de l’auteur c’est de friser continuellement l’obscénité et de s’en garantir toujours. Je ne connois point l’original, et il y a à parier que le traducteur l’a de beaucoup amélioré, et surtout y a répandu ce goût exquis que je vois n’appartenir qu’aux François dans cette espèce de productions et qu’on ne trouve dans aucun des autres peuples. Si je puis avoir occasion d’acheter cette bagatelle, fort rare, je vous la ferai passer complette, et vous conviendrez qu’elle sur-