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poème », elle ne pouvait avancer, tant qu’on n’avait pas entendu sa défense.

« À la fin, quand il fut presque convalescent, la Chambre des Communes, impatiente de le voir comparaître, chargea des médecins d’examiner son état. Saisissant l’occasion favorable, il s’enfuit secrètement à Canterbury, le 24 décembre. Le lendemain, après midi, il était à Calais.

« Les persécuteurs ainsi frustrés de leur proie, firent tout ce qu’ils purent. Le 19 janvier, il fut exclu de la Chambre des Communes ; le 24 du même mois, la Chambre des lords le déclara convaincu d’être L’auteur et l’éditeur de l’Essai sur la femme, et chargea le gentilhomme huissier de la Verge noire de mettre la main sur lui. Le 21 février, il fut reconnu coupable, par Lord Mansfield, à la cour du King’s Bench, d’avoir imprimé le poème obscène et d’avoir réédité le no 45 du North Briton. Comme il n’eut garde de se présenter, il fut déclaré contumace le 1er  novembre.

« Entre temps, un châtiment plus prompt avait atteint deux de ses principaux ennemis. Quelques jours après le jugement de la Chambre Haute, l’infâme Kidgell publia un récit véridique et succinct pour démontrer que son rôle, dans l’affaire, avait été juste et honorable, mais son hypocrite et intempestive brochure le perdit à tout jamais dans l’estime publique.

« Quant au comte de Landwich, il lui arriva pis encore. Le 22 novembre 1763, au moment où chacun faisait des gorges chaudes de l’effronterie avec laquelle il avait accusé Wilkes d’indécence, on jouait à Covent Garden The Beggars Opéra.

« Lorsque M. Beard, qui tenait le rôle de Macheath le bandit, s’écria : « Que Jemmy Twitcher me fasse de la morale, j’avoue que c’est fort », toute la salle applaudit en riant et, depuis lors, personne n’appela plus lord Landwich que « Jemmy Twitcher ». Non que le peuple de Londres estima que Wilkes avait eu raison d’imprimer son obscène poème, mais on savait qu’il n’avait pas eu l’intention de le publier, ce qui suffisait et on comprenait que la conduite de ses accusateurs était une atteinte à la liberté individuelle.

« Plusieurs critiques se sont donné beaucoup de mal pour établir que John Wilkes ne fut pas l’auteur de l’Essai sur la femme. La question nous semble mal posée. L’accusation d’avoir composé