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d’avoir vendu des copies manuscrites. De semblables soupçons s’élevaient contre le chevalier de La Morlière.

Au milieu de tous ces ennuis, Voltaire lui-même multipliait les copies. Ce n’était pas seulement à Mme  de Pompadour et au duc de La Vallière qu’il en envoyait ; il en promettait une à Froment, tout en renouvelant ses plaintes sur leur multiplication (Lettre à d’Argental, du 15 juin). En même temps, il recommandait à Mme  de Fontaine de faire copier son poème (Lettre du 2 juillet), et de se faire rembourser par son notaire Delaleu les frais de copie (6 septembre). Il n’était pas étonnant que les manuscrits devinssent à bon marché. On en avait offert à Ximénès pour cinq louis (Lettre à d’Argental, 22 juillet), et Colini dit qu’on en avait pour un louis (op. cit., page 145).

Il est assez naturel de penser que les copies envoyées par Voltaire à Mme  de Pompadour, au duc de La Vallière, etc., étaient conformes à l’ouvrage tel qu’il voulait l’avouer.

Palissot, qui alla aux Délices en octobre 1755, et qui s’est trouvé ainsi en position de voir ou d’apprendre bien des choses, dit que Voltaire « imagina d’employer à Paris même un grand nombre de copistes occupés jour et nuit à répandre dans le public des manuscrits de la Pucelle. Tous ces manuscrits différaient les uns des autres ; tous étaient plus ou moins chargés de vers détestables, ou de turpitudes révoltantes, que lui-même y faisait insérer à dessein. L’empressement qu’on avait de jouir de ce poème, quelque défectueux qu’il pût être, faisait acheter toutes ces copies. Chacun se flattait d’avoir la meilleure… Il n’était guère de société qui n’eût son manuscrit.


« Ce singulier moyen de défense, qu’on ne peut guère reprocher à un vieillard menacé d’une persécution si cruelle, lui paraissait un prétexte plausible pour désavouer hautement un ouvrage qui semblait être devenu l’objet des spéculations d’une foule de corsaires. »


Si ces additions de vers grossiers, défectueux, bizarres, étaient nécessaires, il n’était pas moins important de faire des suppressions.

Grasset, libraire à Lausanne, était venu, le 26 juillet 1755, offrir à Voltaire de racheter cinquante louis un manuscrit dont l’impres-