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Cette Histoire, ces Avertissements et ces Notes sont du spirituel Nadas à qui l’on doit la publication du recueil.



Histoire du Théâtre Érotique de la Rue de la Santé.

I

« Si l’hypocrisie n’était pas, par excellence, la vertu théologale de notre triste époque, ce Théâtre, conçu d’après l’idée simple de Molière, de réjouir les honnêtes gens, n’aurait aucunement besoin d’introduction. On lèverait la toile, et le spectacle commencerait, après l’ouverture exécutée par les violons.

« Mais, hélas ! l’esprit criminaliste de nos contemporains, tous magistrats stagiaires à la sixième chambre, voit matière à procès et à scandale dans les actions les plus ingénues, et réclame à grands cris des explications.

« Ce sont ces explications que nous allons ne pas leur fournir.


II

« Ce que nous prétendons écrire n’est que l’histoire pure et succinte du Théâtre Érotique de la rue de la Santé, théâtre bizarre, irrégulier, sauvage, excessif, mais où l’on a ri d’un rire franc, et qui a eu le privilège de réunir, dans la communion de la gaîté, un petit nombre d’artistes et d’hommes de lettres bien portants.

« La Bohême élégante et poétique de la rue du Doyenné, le cénacle qui rassemblait Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Lassailly, Arsène Houssaye, encore non millionnaire, Chassériau, et Marilhat, et tant d’autres, morts régulièrement ou enterrés dans un Institut vague et indéterminé, ou simplement devenus de grands poètes contraints de rendre compte des ouvrages de M. Dennery, pour gagner l’argent nécessaire à l’entretien des vices qu’ils ont pu conserver, n’a plus aucune raison d’être. Elle a disparu avec les beaux enthousiasmes et les fiers élans qui faisaient battre le cœur des vaillants de 1830.

« Mais le bourgeoisisme envahissant, la vie de café, le besoin in-