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Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.
Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.

Ans la forêt profonde et ancienne, la nuit était silencieuse.
                      Un chevalier de cuivre,
géant et merveilleux, arriva au pied d’un roc abrupt qui supportait un château sourcilleux. Le chevalier dirigea son auferant dans un sentier détourné qui menait au portail. Le corneur, veillant au haut d’une tour, s’aperçut de la venue du chevalier. Le cor sonna, et lorsque le chevalier de cuivre, géant et merveilleux, fut arrivé près du fossé où brillait un reflet de lune, il entendit venir de la tour une voix disant : « Que demandez-vous ? » Il répondit :
                                          « L’aventure de ce château ».

Dans Orkenise endormie, les chiens dans les cours gémissaient vers la lune. Les portes de la ville étaient closes. D’une maison qui faisait partie des remparts, et dont les fenêtres donnaient sur la campagne et la route qui longe les remparts d’Orkenise, venait une voix de femme qui chantait ineffablement :


      À Orkenise, pour un bel orfèvre blond
      Les filles, chaque nuit, s’endormaient, indécises,
      C’est un soir, quand s’en vient la dame très éprise
      Chez le plus bel orfèvre pâle d’Orkenise.

      « Viens, la main dans la main, trouver un clair vallon.
      Tu auras pour fermail de ton col mes doigts blêmes,
      À orfévrer nos cheveux d’or, ô toi que j’aime.
      Nous nous aimerons à en perdre le baptême. »

      Dans les vergers de la contrée d’Escavalon,
      Les filles ont pleuré, chaque année, leur méprise.
      Au val, les bras sont las, les chevelures grises.
      Ces lourds joyaux de cet orfèvre d’Orkenise !…