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HISTOIRE DE Mlle BRION

langage du plaisir, et dans lesquels on voyait naître les désirs. Pour tout dire, madame, j’étais assez jolie pour ne rien emprunter de l’art. Un petit déshabillé d’une toile de coton blanc très fine était ma seule parure. La livrée de l’innocence convenait au rôle que j’allais jouer. Tendre victime, je n’attendais que le moment d’être conduite à l’autel : le sacrificateur ne tarda pas à paraître. J’entends un carrosse s’arrêter dans une petite rue sur laquelle donnait une croisée de ma chambre. Je mets la tête à la fenêtre, et j’en vois sortir Mme Verne déguisée en dévote, une sœur de charité passée au bras, suivie d’un homme enveloppé dans un long manteau noir : je l’entendis nommer M. de R… J’ai appris depuis qu’il était évêque de B…, prélat libertin,