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OMBRE


Vous voilà de nouveau près de moi
Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre
L’olive du temps
Souvenirs qui n’en faites plus qu’un
Comme cent fourrures ne font qu’un manteau

Comme ces milliers de blessures ne font qu’un article de journal

Apparence impalpable et sombre qui avez pris
La forme changeante de mon ombre
Un indien à l’affût pendant l’éternité
Ombre vous rampez près de moi
Mais vous ne m’entendez plus

Vous ne connaîtrez plus les poèmes divins que je chante

Tandis que moi je vous entends je vous vois encore

Destinées
Ombre multiple que le soleil vous garde
Vous qui m’aimez assez pour ne jamais me quitter