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dans la rue, devait n’avoir pas vu qui la regardait et ne devait pas comprendre le mystérieux langage de l’amour à distance.

Vous vous rappelez comme une faute (mon Dieu, que vous en riez, aujourd’hui !) tel baiser dérobé sur votre joue, à la faveur de certain jeu innocent, par un très doux petit jeune homme qui faisait profession de vous aimer quand vous aviez dix-sept ans à peine. Votre joli visage s’empourpra au contact de ses lèvres et vous ne saviez si votre émoi vous causait joie ou peine…

Et les platoniques amours de dix-huit ans pour le monsieur avec qui on a dansé toute une soirée et qu’on n’a plus jamais revu ? Et les colloques chuchotés entre amies de pension : « Ma chère, si tu savais comme je l’aime ! Je pense à lui tout le temps… tout le temps… » Et l’effroi laissé au fond de vous-même par les petits billets qu’on glissait dans votre main en vous disant un bonjour sonore et banal. Et les longues stations au balcon, pour le voir passer. Et les coquetteries devant le miroir quand on s’habillait pour LUI plaire !

Tout cela est fort loin. Très probablement, vous n’avez épousé ni l’inconnu qui vous souriait en passant, ni le danseur assidu, ni le jeune