Page:Antilly - Avant l’amour, paru dans Le Journal pour tous, 17 novembre 1897.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ainsi envisagé, ce roman pourrait être classé parmi ceux dits féministes, car on y sent par endroits le souffle des revendications qui font s’écrouler le passé, et des espérances qui nous poussent à toutes voiles vers des temps nouveaux.

Il a fallu du courage à une femme (que je sais jeune, épouse et mère) pour écrire ce livre d’ardente conviction, si net dans ses aveux que, parfois, il ne laisse pas que de troubler celle qui le lit. Mais « tout est pur aux purs », et la noblesse de l’expression, la richesse du style qui jamais ne condescend aux brutalités du réalisme ; la poésie pénétrante de certains tableaux de nature : ciels mourants, coins de forêt paisible, larges plaines, dont l’auteur a semé l’œuvre d’un pinceau fidèle et léger, rachètent hautement des hardiesses qu’explique l’enthousiasme de la pleine jeunesse.

Et ce qu’il y a peut-être de plus curieux dans cet ouvrage, en vérité très artiste en sa forme si simple, c’est que, écrit d’aujourd’hui, pour demain, il évoque par endroits la langue de Rousseau en ses Confessions, ou celle de Diderot, ou celle encore de nos aïeules les plus lettrées contant leurs aventures, avec, par-ci, par-là, un soupçon de fine ironie. Livre curieux qui, supposé d’une jeune fille, n’est pas pour les jeunes filles, et que les femmes et les mères ne pourront lire sans s’arrêter maintes fois, pensives…

Jeanne d’Antilly.