Page:Anthologie néo-romantique, 1910.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
GASTON CAMUS

me vis au milieu d’un vide immense sans limites apparentes.

Cette lumière diffuse, tombant d’une source invisible, et le silence imposant qui régnait dans cet inconnu m’impressionnèrent péniblement.

Tout à coup, loin, très loin, à ma gauche, un cercle blanc étincela, ayant en son centre et très en relief, un sphinx tout rutilant d’or, pareil, en sa pose à la fois majestueuse et redoutable, au vaincu d’OEdipe sur le Cythéron.

Cette vision ne dura que quelques secondes.

Mes regards étaient encore rivés à la place où elle venait de se produire lorsque, devant moi cette fois, un deuxième cercle, plus vaste que le premier, se dessina. Il était d’un rouge éblouissant, d’un rouge de sang, concentrant dans son éclat toutes les douleurs et les souffrances de la vie humaine. Sur lui, se détachait le même sphinx, mais teinté d’un vert très doux, du vert des frondaisons premières — évocateur d’espérances infinies.

Puis, un échange s’opéra dans les couleurs : le cercle se fit vert et le sphinx devint entièrement rouge.

L’éclat de cet ensemble fantastique s’atténua lentement et s’évanouit.

Aussitôt, à ma droite, un troisième cercle, de dimension semblable au premier, apparut. Il était composé de rouge et de rert ; ces deux couleurs se mélangeaient sans arrêt et de cet alliage naissaient d’étranges reflets qui faisaient ressortir vigoureusement un sphinx d’un noir puissant, symbole de la Nuit Eternelle.