Page:Anthologie néo-romantique, 1910.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

mières lignes du poème d’Auguste Barbier, ils n’ont pu ne pas aller jusqu’au bout. Ç’a été un éblouissement. Le lendemain Auguste Barbier est célèbre.

Dans les mois qui suivent il recommence avec un égal bonheur les mêmes audaces, empoigné par les mêmes vertueuses colères ; coup sur coup paraissent Le lion, Quatre-vingt-treize, L’Emeute, La Popularité, l’Idole (août 1830, mai 1831). Plusieurs accès de divine frénésie viennent encore qui donnent lieu à plusieurs poèmes non moins ardents et splendides. Les éditions réunissant ces divers morceaux sont enlevées. Auguste Barbier accablé d’une gloire plus soudaine que jamais on n’en vit et fatigué de cette production qui a jeté tout le monde et lui-même dans l’émerveillement, part pour l’Italie avec Brizeux.

Ce voyage fut pour lui l’occasion d’une nouvelle douleur guère moins vive et féconde. À la vue de la stérilité de ce pays jadis si fertile en artistes de génie et en grands hommes, il ne put retenir un cri : et ce fut Il Pianto (le gémissement) qu’il fit imprimer en 1832 et qui, sans atteindre la vogue des Iambes, eut un beau succès. — Rentré à Paris, Barbier s’occupa à lécher des satires et des idylles, mais toutes malingres ou avortées ; puis, ayant pris le goût des voyages, et peut-être aussi sentant, au moins d’une manière sourde, que l’excitation morale et physique lui était nécessaire pour que se réagitât en lui la sève des beaux vers visiblement figée, il partit en 1833 se heurter aux gens et aux choses de Grande-Bretagne. Cela lui réussit. La-