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EUGÈNE LANGEVIN

seurs là où ils paraissaient s’être surpassés eux-mêmes, telle est la devise qu’arbore de Heredia imitateur, et il n’est guère que cela. Mais son ambition secrète était de surpasser plus particulièrement Leconte de Lisle. Malgré les très chaudes protestations de respect et d’admiration dont l’entourait son disciple, quel visage Leconte de Lisle devait-il montrer lorsqu’il lisait ou entendait lire ces sonnets des Trophées dans lesquels il voyait repris, élagué des détails seulement à demi-vifs, rendu dix et vingt fois plus éclatant et plus dramatique, tel thème qu’il avait cueilli, créé peut-être, et si diligemment ouvré ? Une grimace dut faire tomber son fameux monocle le jour où il vit les tierces rimes Romanceros. C’était La tête du Comte, La Ximena de ses Poèmes Barbares ! Il y avait cependant mis toute sa science et tout son effort pour donner une leçon de sobriété et de goût à l’auteur de la Légende des Siècles, qui avait un peu, dans le Cid exilé, dans Bivar, gâché la riche matière épique prise aux légendes espagnoles. Et ce de Heredia, déplaçant quelques vers, reproduisant avec plus d’audace et une maîtrise plus impeccable les crudités des romances du Cid, les ramenant tout entières à trois courts épisodes typiques, lui montrant du doigt ses maladresses et ses insuffisances comme lui avait fait à Hugo ! C’est pour faire passer de pareilles colères que de Heredia lui dédiant Les Trophées l’a proclamé son maître et a déclaré publiquement sa juste gratitude envers lui. Il n’est pas jusqu’à sa langue, riche et sobre, sûre, ferme, jusqu’au vocabulaire d’une