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ANDRÉ JOUSSAIN

LE PHILOSOPHE AU LIVRE OUVERT


La fenêtre cintrée avec sa croix de pierre
Laisse venir à lui la brumeuse lumière.
Il médite. Son livre est ouvert devant lui.
La vérité paisible au fond d’une âme a lui
Dans une salle ombreuse où l’escalier s’élance.
Et le recueillement écoute le silence.

Bruit de la foule, éclat du monde, — illusion !
Une vie enfermée en une vision
Est là, dans la tranquille éternité du rêve.
Sur ce seuil, les clameurs de la cité font trêve,
La rumeur du dehors expire.

Instant profond
Où tout ancien désir se dissipe et se fond

Comme l’or du couchant s’éteint dans la pénombre !
Douceur grave du jour qui s’absorbe dans l’ombre !

Ô Rembrandt ! Tu rêvais loin du monde insensé.
Tu sentais et voyais ce qu’un autre eût pensé,
Sans nourrir ton esprit de subtile science
Rien ne pouvait lasser ta forte patience
Obstinée à poursuivre un rêve de beauté.
Penseur profond ! Cerveau plein d’ombre et de clarté
De nos biens passagers tu refaisais la somme :
Tu plongeais dans la nuit le vain désir de l’homme,
Et l’idéal vainqueur, front pensif et vermeil,
Religieusement s’inondait de soleil !