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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

Rien que l’énormité tragique du mystère.
Comme l’âme ici-bas, l’étoile est solitaire,
Et brûle, morne flamme, en son ombre. Les cieux
Que la frayeur de l’homme a peuplés de ses dieux
S’assombrissent, sentant qu’ils sont vides. Les astres,
Ainsi que des vaisseaux voguent vers les désastres,
S’en vont vers l’infini de destins ignorés.

Flamboiement des soleils épars, vous périrez !
Vous vous éteindrez, voix qu’on peut’à peine entendre,
Semblables au parfum mélancolique et tendre
D’un message d’amour qui n’est point parvenu.
Longs regards échangés à travers l’inconnu,
Signaux mystérieux de l’espace à l’espace,
Appels lointains de ce qui passe à ce qui passe,
Sans plainte, sans remords, sans murmure, sans bruit,
Vous vous fondrez dans l’ombre immense de la nuit !


 
Les cieux le savent-ils qu’ils sont tout remplis d’ombre ?
Lorsque tant d’univers s’y perdent sans adieu,
L’espace se sait-il un vain gouffre où tout sombre ?
Astres qui charriez vos flux dans les nuits sombres,
Regrettez-vous le temps où vous étiez des dieux ?

Alors les larges nuits n’étaient pas éternelles.
Toutes les profondeurs s’illuminaient de jour.
Les hommes vers le ciel dirigeaient leurs prunelles,
Pour y voir, échappés de leurs prisons charnelles,
Tout un monde tissé de lumière et d’amour.