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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

Mais moi, je n’irai pas abdiquer ma fierté
Pour la vaine rumeur d’un peuple qui s’étonne.
Lâche celui qui prend le sceptre et la couronne
Sans oser devant tous crier sa royauté !

Je ne cacherai rien de ce que j’ai dans l’âme.
Et nul ne peut prétendre, accusant ma hauteur,
Que je me sois montré sous un masque menteur,
Car un noble désir m’a brûlé de sa flamme.

L’ardeur de vaincre au cœur, et le glaive en mon poing,
J’ai lutté d’un bras fort qu’aucun labeur ne lasse.
Vous, vous avez cherché d’une âme vile et basse
Le profit des combats que vous ne livrez point.

Votre orgueil, se drapant dans sa pourpre usurpée,
Du pouvoir souverain fuit les soucis trop lourds.
Satisfaits de la pompe inutile des cours,
Vous repoussez la main de justice et l’épée !

Brûlants de triompher sans avoir combattu,
Vous avez envié les héros aux yeux calmes.
Mais quand vous saisissiez leurs lauriers et leurs palmes,
Votre pied dédaigneux écartait leur vertu.

Loin des vaines grandeurs que le vulgaire encense,
Puissants du jour, qu’importe à ma sincérité
La pourpre des Césars si j’en ai la fierté,
Et le trône des rois si j’en ai la puissance ?

Mon empire n’est pas ce vain éclat d’un jour
Que votre turpitude à grands fracas réclame.
Il est au fond des cœurs ; il est au fond des âmes ;
Et son pouvoir magique est celui de l’amour.