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XXII
INTRODUCTION.

vers, n’attachent à chaque signe qu’un son monosyllabique, conformément aux principes de l’écriture idéographique, les Japonais se croient obligés, pour les rendre intelligibles à l’audition, de les traduire dans leur langue souvent polysyllabique. Il en résulte que la mesure, les accentuations toniques et les rimes, en un mot tout ce qui constitue le charme euphonique des vers chinois disparaît sous ce déguisement étranger. Pour obvier à ce défaut, les pièces de vers chinois, lues en japonais, sont l’objet de compositions musicales sur lesquelles elles sont chantées, comme de la simple prose[1].

Ces sortes de compositions musicales, dont une étude plus approfondie permettrait peut-être de reconnaître le mérite, m’ont paru généralement d’une valeur artistique des plus médiocres, et je me demande comment il peut se faire que la culture de la poésie chinoise ait été et soit encore si répandue au Japon, alors qu’il me semble établi que le système nécessaire de leur lecture dans ce pays les prive de plusieurs qualités essentielles, l’euphonie, la mesure, la mélodie, l’harmonie, etc. Serait-il donc possible qu’un peuple cultivât un art hérissé de difficultés qui n’ont point de raison d’être chez lui, puisqu’il n’en peut tirer aucun avantage, et cela par la seule raison que les productions de cet art sont belles aux

  1. On trouvera dans notre Anthologie (p. 168) un spécimen de ces sortes de poésies, avec l’indication des notes suivant lesquelles les insulaires du Nippon ont l’habitude de les psalmodier.