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PRÉFACE.

Une jeune femme est couchée, solitaire au fond
de l’appartement intérieur :
Hélas ! pense-t-elle, la tristesse va faner mon visage,
Chaque jour mon cœur se consume en de vains désirs[1].

Certes le sentiment est universel ; l’amour est de tous les temps et de tous les pays. Mais ces herbes enivrées de rosée ne nous indiquent-elles pas la poésie d’une civilisation raffinée ? Ne voyons-nous pas la jeune Chinoise, esclave au fond du gynécée, et dont l’imagination s’égare dans la solitude d’une prison élégante ? Ce n’est ni la matrone romaine, ni la femme française qui souffre d’un pareil ennui. Pour retrouver ce délire de la passion, il faut chercher l’odalisque dans le harem, ou la nonne espagnole dans son couvent.

Si l’on veut goûter la poésie orientale, il faut donc se transporter par la pensée dans l’Inde ou dans la Chine, il faut se mettre au point de vue du peuple qu’on étudie, en épouser les sentiments, les idées et les goûts. Tite-Live nous dit qu’en écrivant l’histoire des premiers

  1. Poésies de l’époque des Thang, p. xxi.