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PRÉFACE.

là un voile qu’il n’est pas toujours aisé de soulever. Chez tous les peuples le langage exprime des idées et des sentiments communs à l’humanité, mais chaque mot a son histoire. Ce qui pour nous est une expression familière est pour l’étranger une énigme dont il cherche vainement le secret.

Prenons, par exemple, ces vers d’Horace :

Huc vina et unguenta et nimium breves
Flores amœnæ ferre jube rosæ,
Dum res et ætas et sororum
Fila trium patiuntur atra.

Omnes eodem cogimur : omnium
Versatur urna serius ocius
Sors exitura, et nos in æternum
Exsilium impositura cymbæ[1].

Pour un Européen élevé dans le culte de l’antiquité, familier avec la poésie classique et avec la peinture moderne, ces plaintes d’Horace sur l’incertitude et la brièveté de la vie ont une grâce pénétrante ; mais que signifie ce langage pour un Oriental qui n’a jamais entendu parler

  1. Horat., Carm., ii, 3.